Qu'est-ce que vous faites comme echauffement pour une course? Pourquoi?
Est-ce que vous savez que si vous changez l'imtensité de votre échauffement vous pouvez courir plus rapide?
C'est la question que des physiologistes britanniques ont posés, ou, plus précis, ils ont demandé: "Est-ce qu'un échauffement de haute intensité peut augmenter la proportion d’énergie oxydative qui sera utilisée lors de l’exercice principal qui suivra, et peut augmenter la tolérance à l’exercice?"
Jusqu’en 2013, l'impact qu’un échauffement de haute intensité pouvait avoir sur la performance compétitive n'avait pas été étudié.
Des physiologistes britanniques ont depuis testé l'hypothèse qu’un échauffement de haute intensité permettrait d'accélérer la cinétique de VO2 (la vitesse à laquelle le corps utilise l’oxygène au début de l’exercice) et d'améliorer la performance d’athlètes bien entraînés sur 800m.
Procédé : 11 coureurs de demi-fond (7 hommes, 4 femmes) bien entraînés.
Ces coureurs ont tout d’abord couru sur un tapis de course afin de déterminer leur VO2Max et vVO2Max.
Ils ont ensuite couru deux 800m chronométrés sur piste indoor à 7 jours d’intervalle.
Avant chaque 800m, chaque coureur a du faire un des deux échauffements suivants :
- 10 min de footing, divers exercices de mobilité puis 6 x 50m progressifs (échauffement contrôlé ‘CN’)
- 10 min de footing, divers exercices de mobilité puis 2 x 50m progressifs suivis d’un 200m à haute intensité à allure de course (échauffement haute intensité ‘HI’)
Chaque coureur a du essayer les deux échauffements (CN et HI), l’un pour le premier 800m, l’autre pour le deuxième. , en ordre alléatoire.
Le lactate sanguin a été mesuré avant les 800m chronométrés (après l’échauffement), et le VO2 a été mesuré à chaque cycle respiratoire tout au long de l’exercice.
Résultats: Les 800m qui ont suivi l’échauffement HI étaient significativement plus rapides (124,5 ± 8,3s vs. 125,7 ± 8,7s).
Le lactate sanguin était plus élevé après l’échauffement HI (3,6 ± 1,9 vs. 1,7 ± 0,8 mM).
Le temps de réponse moyen pour atteindre le VO2 était similaire pour les deux types d’échauffement : (HI : 27 ± 6s vs. CN : 28 ± 7s), mais le volume d’O2 consommé (HI : 119 ± 18 vs. CN : 109 ± 28 ml/kg) et le pic de VO2 atteint (HI : 4,21 ± 0,85 vs. CN : 3,91 ± 0,63 L/min) avaient tendance à être plus élevés après l’échauffement HI.
Conclusions: Ces données indiquent qu'un échauffement de haute intensité améliore la performance des athlètes bien entraînés sur 800 m.
Il est vrai que les tests en laboratoire ne reflètent pas nécessairement le monde réel, mais ces résultats sont malgré tout très intéressants pour les coureurs de demi-fond. Au plus vite vous parviendrez à utiliser l’oxygène adéquat lors d’une course, au plus vous retarderez l’augmentation des niveaux de lactate, et par conséquent votre performance sera meilleure. En théorie, cela ne s'applique pas seulement au 800m, mais à toutes les courses de demi-fond.
La plupart des athlètes de demi-fond (les athlètes élites y compris) s’échauffent à faible intensité (footing, étirements, gammes suivie par plusieurs accélérations rapides de courte durée). Il est rare de voir un athlète effectuer un échauffement de haute intensité (comme dans l’étude présentée ci-dessus) et qui accélère la cinétique de VO2. Il est donc probable que la majorité des échauffements des coureurs de demi-fond soient sous-optimaux et qu'un 200m à haute intensité puisse accélérer la cinétique de VO2, et la performance.
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles ce type d’échauffement est efficace:
- HI augmente le flux sanguin vers les muscles grâce à un débit cardiaque plus élevé et une vasodilatation plus importante.
- Meilleure oxygénation des muscles
- HI peut changer l'activité neuromusculaire pour faciliter la réalisation de l'exercice.
- Sollicitation plus importante des unités motrices dès les premiers stades de HI. Cela pourrait être important : ça peut réduire la tension requise par chaque fibre musculaire et donc réduire la perturbation du métabolisme du muscle.
- La température musculaire ne semble pas être impactée (d'où l'efficacité accrue de HI par rapport à CN).
Le lactate sanguin était significativement plus élevé pour HI que pour CN avec une moyenne de 3,6 mM qui se situe bien dans la zone qui semble être optimale pour réaliser de meilleures performances (3 - 5 mm). Un échauffement qui n’augmente pas suffisamment le lactate ne modifiera pas la cinétique de VO2 ni la tolérance à l'exercice. D'autre part, si le lactate augmente de trop (> 6 mm), cela peut affecter la cinétique de VO2 mais n'améliorera pas (et peut diminuer) la tolérance à l'exercice. Ainsi, un échauffement tel que celui proposé ici semble être le plus efficace. Si, comme la plupart des athlètes, vous n'êtes pas en mesure d'avoir votre lactate sanguin testé tout au long de votre routine d'échauffement, alors le mieux serait de faire le test proposé ci-dessus lors d’une course quelconque (ou de faire une course test à l’entraînement afin de déterminer quel est votre échauffement optimal). Des variantes de cette routine d’échauffement peuvent probablement être tout aussi efficaces, mais je crois que celle-ci représente déjà une amélioration des routines d’échauffements existantes.
Dans l’étude menée ci-dessus, il est intéressant de comparer les deux courses. En moyenne, les chronos réalisés pour les premiers 400 m étaient identiques suite aux deux échauffements. Par contre, pour l’échauffement HI, on note des sections nettement plus rapides entre 400 et 500 m et entre 700 et 800m. En d'autres termes, cette étude suggère que l’échauffement HI peut conduire à une allure plus rapide en fin de course. L'augmentation de la consommation d'O2 dans la première moitié de la course retarderait le besoin de faire appel aux réserves énergétiques anaérobies (phosphocréatine) et réduirait donc l’accumulation des ions hydrogène et de phosphate qui encouragent la fatigue.
Mais combien de temps dure l'effet de cet échauffement? Il semblerait que la cinétique de VO2 soit facilitée pendant au moins 45 minutes. En outre, il faut au moins 10 minutes entre l’échauffement HI et la course, idéalement, il faudrait entre 20 et 40 minutes entre les deux. Cet échauffement convient donc parfaitement aux courses de championnats pour lesquelles les athlètes sont habituellement gardés en chambre d'appel entre 20 et 40 minutes avant leur course. Il leur faudrait faire cet échauffement HI juste avant d'entrer en chambre d'appel, entre 20 et 40 minutes avant leur course. Et une fois sur la piste, deux accélérations de 50m suffiraient pour être tout à fait prêt. La période de 20 à 40 min entre l’échauffement HI et la course maintient probablement la réponse de VO2 tout en permettant la restauration des réserves énergétiques des muscles (phosphocréatine).
J'ai testé cette étude avec plusieurs athlètes sur des distances allant de 800 à 5000m. Le retour a été positif avec un sentiment général d'être prêt pour la course, et de se sentir à l'aise tôt dans la course.
Les sciences du sport, discipline scientifique relativement récente, nous apprennent de nouvelles choses tous les jours. Dans l’étude réalisée ci-dessus, les performances réalisées sur 800m suite à l’échauffement HI suggèrent une amélioration de 1% par rapport à l’échauffement CN. Pour un coureur de 800m en 1'50, ça représente plus d’une seconde. Que diriez-vous si en changeant simplement votre routine d'échauffement vous amélioriez votre chrono d’une seconde sur 800m?
Il n'y a qu'une façon de le savoir. Comme toujours, c'est votre choix.